Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vicissitude du Principat
11 avril 2011

Une histoire à Venise

Venise.
Nuit calme. Brume sur le canal.

Venise

La fenêtre du premier étage d'une riche demeure vole en éclat. Le verre tombe au sol dans un éclat brisant alors que deux corps s'abattent lourdement sur la pierre froide et lisse, un troisième termine sa course dans le canal, soulevant une gerbe d'eau noire.
La tête d'Aura, affolée, passe par la fenêtre démolie.
- "Julian !!"
Une main se pose sur son épaule, la jeune vampire n'a que le temps de sursauter. Elle reconnait la personne derrière elle.
- "Julian ?"
Son sire lui sourit rapidement et ramasse son épée au sol.
- "Mais tu... par la fenêtre..." bredouille Aura.
- "Je me suis poussé à la dernière seconde."
- "Impossible, je n'ai rien..." commence Aura avant que Julian ne l'écarte de la fenêtre d'un geste mesuré et silencieux.
- "Plus tard mon Infante. Il en vient d'autres."

Les deux caïnites courent en silence dans les larges couloirs du palais du condottière. Au loin des cris et des pas de courses résonnent faiblement. Aura inquiète jette un œil vers un escalier adjacent.
- "Julian ? Nous ne devions pas sortir par ici ?"
- "C'était le plan. Mais je dois vérifier quelque chose."
Après quelques minutes Julian, suivit de près par Aura, débouche dans un vaste atelier de peinture. Des dizaines de tableaux sont exposés là. Certains en cours, d'autres achevés. Julian passe sa main sur les toiles d'un air songeur. Aura s'est approchée pour mieux voir. A la lueur de la lune Julian commence un travail minutieux, à l'aide d'un couteau il gratte doucement le coin d'une toile d'apparence insignifiante. A peine a-t-il commencé qu'il ne peut retenir un souffle de surprise.
- "La Basilica di San Marco !"

Basilica_di_San_Marco_I

 

A l'autre bout de l'atelier Aura laisse échapper un cri. Un individu richement habillé, portant blason du patriarche de Venise, tord le bras de la jeune vampire tout en pointant un stylet sous sa gorge. Julian s'est à peine relevé que déjà la grande porte de l'entrée de l'atelier s'ouvre calmement, douze sicaires armés encadrent un noble habillé à la dernière mode de Venise.
- "...ravagée par un terrible incendie en 976." énonce le noble comme pour terminer la phase de Julian.
- "Toute la collection du doge Pietro IV Candiano, vous l'avez récupérée..."
- "Une partie seulement, une partie." poursuit le noble en faisant courir son gant blanc sur une toile. "le reste a effectivement été détruit par les flammes. Regrettable."
- "Et vous vendez l'autre partie à vil prix." le coupe sèchement Julian.
Le noble s'était avancé jusqu'au milieu de l'atelier. Piqué au vif par la remarque de Julian il se retourne vers lui vivement.
- "La guerre contre les lasombras coute terriblement cher ! De Venise jusqu'en Angleterre. Des royaumes francs jusqu'en Oural."
- "Est-ce à dire que les ventrues ne reconnaitront leur infériorité face aux lasombras qu'une fois qu'ils auront vendus tout l'art de l'Italie ?" renchérit Julian d'un ton acide.
Sous la lumière blafarde de la lune les traits du noble se déforment d'un coup alors qu'il laisse échapper un sifflement strident et malsain. L'espace d'un instant il n'est plus qu'une bête consumée par une rage aveugle. L'homme qui tient toujours Aura sous sa lame crit quelques mots à son attention, rapidement le noble se ressaisi et recule dans l'ombre comme pour cacher ses traits.
- "Peu importe vos insultes. Maintenant que vous connaissez la vérité... Ontazio."
D'un geste élégant le spadassin remonte sa lame sous la gorge d'Aura et s'apprête à l'abaisser quand soudain il se fige. Puis lentement ses doigts relâche l'arme alors que sa tête se détache de son corps et vient rouler au sol. Derrière lui une silhouette féminine sort de l'ombre, à la main elle tient une large épée de style vénitien.
Julian lâche un soupir de réconfort, comme s'il avait maintenu cette discussion que dans le but de voir apparaître la nouvelle arrivante :
- "Ornella mon Infante, vous êtes en retard." commence-t-il.
- "Julian mon Sire, vous n'êtes pas à l'endroit convenu." lui répond avec une courtoisie exagérée la caïnite en essuyant sa lame sur sa robe avec délicatesse.
Julian ne peut réprimer un sourire rapide. Derrière lui le noble s'est saisi d'un tableau et exhorte ses hommes au combat. Alors que les sicaires se jettent sur Julian il s'éclipse rapidement par là où il était venu. L'épée au clair Julian croise déjà le fer avec ses assaillants quand Ornella arrive à sa hauteur.
- "Ornella ! Guesppe s'enfuit avec le tableau ! Fais quelque chose !"
Ornella bloque une feinte et se retrouve dos à dos avec son sire. Autour d'eux les sicaires, encore dix, forts et rapides au delà de l'humainement possible, tournent lentement, cherchant une ouverture.
- "Faire quelque chose... pour vous sauvez la vie Sire ou pour le tableau ?" répond la jeune femme d'un air faussement détaché.
Julian sert les dents, puis timidement il articule - "Les deux à la fois... se serait possible ?"
Ornella se penche doucement pour poser un baiser sur la joue de son Sire puis se retourne vers ses agresseurs. Elle ferme les yeux.
La lumière blanchâtre de la lune filtre à travers ses paupières. Au loin elle peut entendre l'orchestre jouer. Par un vieux réflexe humain elle inspire profondément. Lui reviennent à l'esprit les premières leçons de Julian, sa réprobation de ces vieilles habitudes humaines, les traditions enseignées avec Aura par les longues nuits d'hiver à Gènes, les sermons sur l'importance de l'art.

Elle rouvre les yeux brusquement.

Guesppe ouvre précipitamment la porte de son cabinet privé.
Une longue trainée de sang gicle de la gorge du sicaire le plus proche d'Ornella, un second hurle en se tenant l'œil.
Une ombre se relève derrière un troisième assassin, une lame apparait entre ses côtes et l'ouvre par le flanc pour termine sa trajectoire dans la gorge d'un quatrième.

Quatre autres sicaires attaquent de concert, un étrange liseré écarlate court sur leurs vêtements alors qu'Ornella disparait pour réapparaitre derrière les deux derniers attaquants, lame et crocs plantés.

La trainée de sang du premier sicaire égorgé retombe au sol, Guesppe entre dans son cabinet, dix sicaires s'effondrent sans vie.

- "A votre service sire." murmure Ornella en fouettant sa lame dans l'air pour en chasser le sang.
- "Je vais m'occuper de Guesppe." souffle Julian en se précipitant vers la sortie.

- "Je vais m'occuper d'Aura." répond Ornella alors que déjà son Sire est parti à la poursuite du ventrue.

Près de la baie vitrée Aura regarde dans la cour intérieure du palais, Ornella s'est approché d'elle. Aura se retourne et pose sa main sur l'épaule d'Ornella.
- "La garnison s'en vient par ici et Julian a déjà disparu." articule-t-elle d'une voix empreinte d'une inquiétude manifeste.
Ornella pose sa main sur celle de son amie, doucement elle sourit.
- "Oui. Comme toujours, notre Sire court après l'art."
- "Et nous vers où court-on ?"
Ornella s'avance d'un pas pour contempler le spectacle en contrebas. Une solide troupe, quelques sergents, surement plusieurs goules dans le groupe, peut-être un caïnite à leur tête. Ornella mécaniquement réfléchit aux différentes issues. Devant le silence prolongé d'Ornella Aura ressert sa main sur son épaule. Sortie de sa rêverie Ornella se tourne vers la jeune vampire :
- "Je ne sais pas vers où nous courons ma sœur. Mais je sais comment."
- "Comment ?"
- "Ensemble."

Venise.

  le texte est de Renaud B

Publicité
Publicité
Commentaires
Vicissitude du Principat
Publicité
Publicité